« C’est du passé tout ça. C’est pas grave ! »
Cette femme que j’accompagne me raconte une parole terrible dite à son encontre par son frère, lorsqu’elle était adolescente.
Les mots employés sont violents.
Elle les ressent encore comme tels aujourd’hui. Elle a du mal à les prononcer. Ils s’étranglent dans sa gorge, et elle se reprend à 2 fois avant de les exprimer.
Ces mots ont eu un impact sur sa construction identitaire. Ils ont bloqué des comportements, des désirs qui n’ont pu s’extérioriser.
Consciente qu’ils avaient empêché un épanouissement, elle a puisé dans sa frustration la force d’en reparler à son frère il y a quelques mois.
Elle lui a dit combien ces mots avaient été durs à entendre, combien la portée de la comparaison indue avait été grande et avait eu de répercussions sur l’ensemble d’un champ de sa vie .
Quel courage d’affronter plus de 20 ans après ce qui a cheminé si longtemps dans ses pensées !
Je le lui dis.
Elle me répond que ça devenait « vital » pour elle d’en parler avec ce frère, qu’elle décrit par ailleurs bienveillant mais distant.
Le besoin de dire, en réponse aux paroles prononcées, est devenu plus fort que la peur de rester enfermée dans cette prophétie inepte.
Réponse du frère :
« Je ne m’en souviens pas. C’est du passé tout ça. Passe à autre chose ! C’est pas grave ! »
Mais si, c’est grave !
C’est grave de ne pas entendre la souffrance que cela a généré en l’autre.
C’est grave de ne pas accorder de crédit au besoin de reconnaissance de la douleur.
C’est grave de ne pas admettre que le passé puisse avoir du poids sur le présent.
C’est grave d’être rejetée une nouvelle fois.
Il ne s’agit pas ici de jeter la pierre à quiconque.
Mais alerter sur l’importance de reconnaître les blessures.
Ne pas nier l’émotion de l’autre, même si on ne la comprend pas.
Elle existe pour quelqu’un. Donc elle est.
Le temps n’existe pas. Hier, aujourd’hui, c’est la même chose.
Admettre que c’est réel. Parce que c’est déposé. Ici. Maintenant. Quelle que soit l’origine des faits.
Le travail en hypnose permet de jolis moments.
La réparation, ici, s’est faite en la rencontre de l’adolescente et de l’adulte blessées.
Elles se sont parlé.
Elles se sont réconfortées l’une l’autre.
Chacune a exprimé ses peurs, sa tristesse, sa colère.
Puis elle se sont prises dans les bras.
Fortes de leurs émotions partagées, elles ont décidé symboliquement de jeter dans un feu allumé tout exprès ces mots injustes.
L’adulte d’aujourd’hui a éclaté de rire.
A la fin de la séance, elle m’a dit :
« Vous savez à un moment, j’ai été prise d’un fou rire. Parce que je me suis vue, petite flamme devenant femme qui criait : « Je suis une fille de joie. »