Poser ses limites
« Tu te prends pour le serpent Kaa, dans le livre de la jungle, avec ton hypnose ? »
Aïe, je ne l’ai pas aimée cette remarque.
Aussitôt, j’ai ressenti des émotions dans mon corps : d’abord, le cœur qui s’emballe, les joues qui rougissent, le souffle comme coupé.
Et tout de suite, les pensées qui m’assaillent : « Je lui rentre dedans ? Je l’ignore, je fais comme si je n’avais pas entendu ? Je le plante là et je lui tourne le dos ? J’en discute avec lui et j’essaie de comprendre pourquoi il dit cela? »
Les trois premières pensées sont les expressions de la peur, issues de notre vieux cerveau reptilien : je combats, je fais l’autruche, je fuis : FIGHT, FREEZE, FLIGHT.
La quatrième – « Je noue un dialogue et je tente de comprendre sa motivation et sans doute ses propres émotions » me permet de sortir de la peur, et de me poser un instant dans une posture d’empathie. Au lieu de rester fixée sur mes propres émotions, je me mets un instant à sa place et dans une posture d’écoute. Je respire profondément, et je demande :
– « Qu’appréciais-tu chez Kaa quand tu regardais le film ? »
Regard interloqué de mon interlocuteur. Il réfléchit quelques instants, et me répond :
– « Il avait le pouvoir. »
OK. Plusieurs pistes s’ouvrent. Avec l’hypnose, peut-être a-t-il peur de se sentir en position d’impuissance et que je prenne le pouvoir ? Peut-être cela lui rappelle-t-il une mauvaise expérience ?
A ce stade, je poursuis ma recherche :
– « Et … ? »
– « Et je n’aime pas qu’on se fiche de ma tête ». (Les propos étaient en réalité un peu plus fleuris)
– « Que ressens-tu quand on se fiche de toi ? »
– « Je me sens rabaissé, idiot. J’ai les extrémités des doigts qui deviennent froids, je deviens tout rouge, et je n’arrive plus à parler. »
Tiens ! Nous avons des points communs face à l’attaque.
La suite lui a permis de se connecter à un souvenir, d’inventer une fin divergente, de vivre des émotions différentes, de créer un pont entre le passé et certaines situations vécues au présent, de réaliser que les émotions sont subjectives et se fondent sur une interprétation de la réalité.
Connaître et reconnaître ses émotions permet de grandir, de s’affirmer et d’entretenir son mieux-être, de sentir plus aligné, de s’accepter. De ne pas donner le pouvoir à nos pensées.
« Vos émotions suivent vos pensées aussi sûrement que les canetons suivent la cane sur la mare.
Le fait qu’ils avancent docilement derrière leur mère ne prouve pas que celle-ci sache où elle va ! »
David Burns